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Citation du Syllabus pour Histoire de la pensée politique
Créé par Nizeto
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Dernière actualisation : 13 mai 2024
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Première soumission13 mai 2024
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Answer
« L’histoire est le sens de la possibilité. »
Canguilhem
« L’historien et l’agent historique choisissent, tranchent et découpent, car une histoire
vraiment totale les confronterait au chaos. [...] Même une histoire qui se dit universelle
n’est encore qu’une juxtaposition de quelques histoires locales, au sein desquelles (et
entre lesquelles) les trous sont bien plus nombreux que les pleins. Et il serait vain de
croire qu’en multipliant les collaborateurs et en intensifiant les recherches, on
obtiendrait un meilleur résultat : pour autant que l’histoire aspire à la signification, elle
se condamne à choisir des régions, des époques, des groupes d’hommes et des
individus dans ces groupes, et à les faire ressortir, comme des figures discontinues, sur
un continu tout juste bon à servir de toile de fond. Une histoire vraiment totale se
neutraliserait elle-même : son produit serait égal à zéro. Ce qui rend l’histoire possible,
c’est qu’un sous-ensemble d’évènements se trouve, pour une période donnée, avoir
approximativement la même signification pour un contingent d’individus qui n’ont pas
nécessairement vécu ces événements, et qui peuvent même les considérer à plusieurs
siècles de distance. L’histoire n’est donc jamais l’histoire, mais l’histoire-pour.
Partiale même si elle se défend de l’être, elle demeure inévitablement partielle, ce qui
est encore un mode de la partialité. Dès qu’on se propose d’écrire l’histoire de la
Révolution française, on sait (ou on devrait savoir) que ce ne pourra pas être,
simultanément et au même titre, celle du jacobin et celle de l’aristocrate. Par
hypothèse, leurs totalisations respectives [...] sont également vraies. Il faut donc
choisir entre deux partis : soit retenir principalement l’une d’elles ou une troisième
(car il y en a une infinité), et renoncer à chercher dans l’histoire une totalisation
d’ensemble de totalisations partielles ; soit reconnaître à toutes une égale réalité : mais
seulement pour découvrir que la Révolution française telle qu’on en parle n’a pas
existé. »
Lévi-Strauss
« À grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois
moderne peuvent être qualifiés d'époques progressives de la formation sociale
économique. Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme
contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non pas dans le sens
d'une contradiction individuelle, mais d'une contradiction qui naît des conditions
d'existence sociale des individus ; cependant les forces productives qui se développent
au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour
résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s'achève donc la préhistoire
de la société humaine. »
Marx
« Tocqueville, à la différence de Marx, et je pense qu’il avait raison, croit que le
mouvement démocratique combiné avec la société industrielle multipliera les rangs
intermédiaires. A ses yeux, les sociétés démocratiques seront caractérisées par le
gonflement du volume des classes intermédiaires (classes au sens de catégories de
Maïssane Rahimi
revenus). Il y aura de moins en moins de gens très riches. Il y aura encore des gens très
pauvres, mais le grand nombre sera au niveau moyen. D’où il conclut curieusement, et
tout à fait contre les interprétations à la manière de Marx, que les sociétés
démocratiques seront agitées et monotones, les hommes se disputeront avec une
passion croissante, mais ils seront en fin de compte peu révolutionnaires. Il concevait
une sorte de médiocrité tumultueuse et sans profondeur. »
Aron
« L’idée d’une autre société est devenue presque impossible à penser [...]. Nous
voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons. »
Furet
« Les économistes ont une singulière manière de procéder. Il n’y a pour eux que deux
sortes d’institutions, celles de l’art et celles de la nature. Les institutions de la féodalité
sont des institutions artificielles, celles de la bourgeoisie sont des institutions
naturelles. Ils ressemblent en ceci aux théologiens, qui, eux aussi, établissent deux
sortes de religions. Toute religion qui n’est pas la leur est une invention des hommes,
tandis que leur propre religion est une émanation de Dieu. En disant que les rapports
actuels — les rapports de la production bourgeoise — sont naturels, les économistes
font entendre que ce sont là des rapports dans lesquels se crée la richesse et se
développent les forces productives conformément aux lois de la nature. Donc ces
rapports sont eux- mêmes des lois naturelles indépendantes de l’influence du temps.
Ce sont des lois éternelles qui doivent toujours régir la société. Ainsi il y a eu de
l’histoire, mais il n’y en a plus. Il y a eu de l’histoire, puisqu’il y a eu des institutions
de féodalité, et que dans ces institutions de féodalité on trouve des rapports de
production tout à fait différents de ceux de la société bourgeoise, que les économistes
veulent faire passer pour naturels et partant éternels. »
Marx
« le Citoyen de l’Etat parfait est pleinement et définitivement satisfait par cet Etat.
Rien ne change donc plus et ne peut plus changer dans cet Etat universel et homogène.
Il n’y a plus d’Histoire, l’avenir y est un passé qui a déjà été ; la vie y est donc
proprement biologique. Il n’y a donc plus d’Homme proprement dit. [...] L’Homme
meurt en tant que tel. La fin de l’Histoire est la mort de l’Homme proprement dit. »
Kojève
« j’ai compris peu après [la publication du livre] (1948) que la fin hégélo-marxiste de
l’Histoire était non pas encore à venir, mais d’ores et déjà un présent. En observant ce
qui se passait autour de moi et en réfléchissant à ce qui s’est passé dans le monde
après la bataille d’Iéna, j’ai compris que Hegel avait raison de voir en celle-ci la fin de
l’Histoire proprement dite. Dans et par cette bataille, l’avant-garde de l’humanité a
virtuellement atteint le terme et le but, c’est-à-dire la fin de l’évolution historique de
l’Homme. Ce qui s’est produit depuis ne fut qu’une extension dans l’espace de la
puissance révolutionnaire universelle actualisée en France par Robespierre-Napoléon.
Du point de vue authentiquement historique, les deux guerres mondiales avec leur
cortège de petites et grandes révolutions n’ont eu pour effet que d’aligner sur les
positions historiques européennes (réelles ou virtuelles) les plus avancées, les
civilisations retardataires des provinces périphériques. Si la soviétisation de la Russie
et la communisation de la Chine sont plus et autre chose encore que la démocratisation
de l’Allemagne Impériale (par le truchement de l’hitlérisme) ou l’accession du Togo à
l’indépendance, voire l’auto-détermination des Papous, c’est uniquement parce que
l’actualisation sino-soviétique du bonapartisme robespierrien oblige l’Europe postnapoléonienne à accélérer l’élimination des nombreuses séquelles plus ou moins
anachroniques de son passé pré-révolutionnaire. D’ores et déjà, ce processus
d’élimination est d’ailleurs plus avancé dans les prolongements nord- américains de
l’Europe qu’en Europe elle-même. On peut même dire que, d’un certain point de vue,
les Etats-Unis ont déjà atteint le stade final du “communisme” marxiste, vu que,
pratiquement, tous les membres d’une “société sans classes” peuvent s’y approprier
dès maintenant tout ce que bon leur semble, sans pour autant travailler plus que leur
cœur ne le leur dit. Or, plusieurs voyages comparatifs effectués (entre 1948 et 1958)
aux Etats-Unis et en U.R.S.S. m’ont donné l’impression que si les Américains font
figure de sino- soviétiques enrichis, c’est parce que les Russes et les Chinois ne sont
que des Américains encore pauvres, d’ailleurs en voie de rapide enrichissement. J’ai
été porté à en conclure que l’American way of life était le genre de vie propre à la
période post- historique, la présence actuelle des Etats-Unis dans le Monde préfigurant
le futur “éternel présent” de l’humanité tout entière. »
Kojève
« La configuration du procès social d’existence, c’est-à-dire du procès de production
matérielle, [...] est là comme produit d’hommes qui se sont librement mis en société,
sous leur propre contrôle conscient et selon leur plan délibéré »
Marx
« Dans la vraie démocratie l’État politique disparaîtrait »
Marx
. « Le gouvernement des personnes fait place à l’administration des choses »
Engels
« Une classe opprimée est la condition vitale de toute société fondée sur l'antagonisme
des classes. L'affranchissement de la classe opprimée implique donc nécessairement la
création d'une société nouvelle. [...] Est-ce à dire qu'après la chute de l'ancienne
société il y aura une nouvelle domination de classe, se résumant dans un nouveau
pouvoir politique ? Non. La condition d'affranchissement de la classe laborieuse c'est
l'abolition de toute classe, de même que la condition d'affranchissement du tiers état,
de l'ordre bourgeois, fut l'abolition de tous les états et de tous les ordres. La classe
laborieuse substituera, dans le cours de son développement, à l'ancienne société civile
une association qui exclura les classes et leur antagonisme, et il n'y aura plus de
pouvoir politique proprement dit, puisque le pouvoir politique est précisément le
résumé officiel de l'antagonisme dans la société civile. »
Marx
« Les Grecs appelaient politique ce qui était propre à la polis [cité]. Dans cette
acception spécifique, le terme référait à la cité identifiée à l’ensemble des citoyens qui
en constituaient le fondement. La polis créait le seul véritable lien entre les citoyens
hors de l’univers domestique. [...] Pour les Grecs, conséquemment, le contraire de
“politique” était “privé”, “personnel”, “égoïste”. Politique équivalait à “commun”
(koinos, xynos) et se rapportait à ce qui était l’affaire de tous. Les Grecs lièrent si
puissamment ce terme — dans sa signification spécifique — à la cité des citoyens
libres et égaux, qu’il finit par désigner le contraire de “despotique”, voire de toute
forme de domination d’une minorité sur une majorité. Aussi, élargir les rangs d’une
oligarchie revenait-il à la rendre “plus politique”. Thucydide appelle “politique” la
forme juste d’une constitution fondée sur l’égalité. L’autorité “politique” consiste,
selon Aristote, dans l’art de gouverner de gens libres et égaux. [...] A l’époque
moderne, en revanche, [...] le mot “politique” se rapporte à l’Etat, qui s’affirme contre
les factions adverses au cours des guerres de religion. [...] “Politique” désigne alors un
mode d’action, dont on pouvait clairement identifier les spécificités au regard des
exigences du christianisme et des nouvelles possibilités “techniques” de l’Etat
moderne. Ces spécificités, Machiavel, le premier, les énonça ; pour cela, il fut
condamné par des adversaires qui, rien que de normal, les reprirent tout de suite à leur
compte : l’action politique est le fait d’un cercle relativement étroit et exclusif
d’hommes politiques ; elle n’est, en conséquence, pas bridée par certaines obligations ;
et de puissantes instances externes, telle l’Eglise, existent qui aident également à tenir
à distance de l’action politique. C’est ainsi que “politique” devint le synonyme de
“roué”, “rusé”, “finaud” et “faux”. La politique, d’une manière générale, éthiquement
neutre, peut être définie à la suite de Frédéric II comme “la science d’agir toujours par
des moyens convenables conformément à ses intérêts”. Cette science, cet art, les Grecs
l’avaient bien évidemment eux aussi pratiqué. »
Meier
« Ce qui fait une cité (c’est) d’avoir en commun des notions comme le bien, le mal, le
juste et l’injuste »
Aristote
« La fin d’une cité, c’est la vie heureuse (eu zên, bien vivre) »
Aristote
« la guerre est simplement la continuation de la politique par d’autres moyens »
von Clausewitz
« La guerre est un véritable instrument politique, la continuation du commerce
[Verkehr, rapport] politique par d'autres moyens »
von Clausewitz
« La politique est la direction ou l’influence exercée sur la direction d'un groupement
politique, aujourd'hui par conséquent d’un État. »
Weber
« L’État est cette communauté humaine qui, à l'intérieur d'un territoire déterminé,
revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence physique
légitime. »
Weber
l’État est un rapport de domination exercé par des hommes sur d'autres hommes. »
Weber
« La “politique” signifierait donc pour nous le fait de participer au pouvoir ou de
chercher à influer sur sa répartition, que ce soit entre États ou, au sein d'un État, entre
les groupes d'hommes qu'il inclut. »
Weber
« La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les
mobiles politiques, c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi. [...] Le sens de cette
distinction de l’ami et de l’ennemi est d’exprimer le degré extrême d’union et de
désunion, d’association ou de dissociation ; elle peut exister en théorie et en pratique
sans pour autant exiger l’application de toutes ces distinctions morales, esthétiques,
économiques ou autres. L’ennemi politique ne sera pas nécessairement mauvais dans
l’ordre de la moralité ou laid dans l’ordre esthétique, il ne jouera pas forcément le rôle
d’un concurrent au niveau de l’économie, il pourra même, à l’occasion, paraître
avantageux de faire des affaires avec lui. Il se trouve simplement qu’il est l’autre,
l’étranger, et il suffit, pour définir sa nature, qu’il soit, dans son existence même et en
un sens particulièrement fort, cet être autre, étranger et tel qu’à la limite des conflits
avec lui soient possibles qui ne sauraient être résolus ni par un ensemble de normes
générales établies à l’avance, ni par la sentence d’un tiers, réputé non concerné et
impartial. »
Schmitt
« Le dynamisme du politique peut lui être fourni par les secteurs les plus divers de la
vie des hommes, il peut avoir son origine dans des antagonismes religieux,
économiques, moraux ou autres ; le terme de politique ne désigne pas un domaine
d’activité propre, mais seulement le degré d’intensité d’une association ou d’une
dissociation d’êtres humains dont les motifs peuvent être d’ordre religieux, national
(au sens ethnique ou au sens culturel), économique ou autre, et provoquent, à des
époques différentes, des regroupements et des scissions de types différents. Une fois
réalisée, la configuration ami-ennemi est de sa nature si puissante et si déterminante
que, dès le moment où il provoque ce regroupement, l’antagonisme non politique
repousse à l’arrière-plan les critères et les motifs précédemment valables, qui étaient
purement religieux, purement économiques ou purement culturels, pour se soumettre
aux conditions et aux conséquences totalement autres et originales d’une situation
désormais politique, souvent très illogiques et irrationnelles par rapport au point de
départ purement religieux, purement politique ou de quelque autre “pureté”. Quoiqu’il
en soit, est politique tout regroupement qui se fait dans la perspective de l’épreuve de
force. »
Schmitt
« Ce que Lénine a pu apprendre de Clausewitz, et il l’a appris à fond, ce n’est pas
seulement la célèbre formule de la guerre, continuation de la politique. C’est aussi
cette conviction que la distinction de l’ami et de l’ennemi est, à l’ère révolutionnaire,
la démarche primaire et qu’elle commande aussi bien la guerre que la politique. Seule
la guerre révolutionnaire est une guerre véritable aux yeux de Lénine, parce qu’elle
naît de l’hostilité absolue. Tout le reste n’est que jeu conventionnel. »
Schmitt
« Si la guerre, entendue au sens de la guerre que se livrent deux États par leurs
armées, est bien, selon Clausewitz, “la politique continuée par d’autres
moyens”, alors il faut dire que la politique est la guerre (de classe) continuée
par d’autres moyens : le droit, les lois politiques et les normes idéologiques »
Althusser
. « Formellement, le rapport de production capitaliste se présente comme un rapport
juridique : d’achat et de vente de la force de travail. Pourtant ce rapport ne se réduit ni
à un rapport juridique, ni même à un rapport politique, ni non plus à un rapport
idéologique. La détention des moyens de production par la classe capitaliste (qui se
tient derrière chaque capitaliste individuel) a beau être sanctionnée et réglée par les
rapports juridiques (dont l’application suppose l’État) : elle n’est pas un rapport
juridique, mais un rapport de force ininterrompu, depuis la violence ouverte de la
dépossession dans la période de l’accumulation primitive, jusqu’à l’extorsion
contemporaine de la plus-value. La vente de la force de travail de la classe ouvrière
(qui se tient derrière chaque travailleur productif) a beau être sanctionnée par des
rapports juridiques : elle est un rapport de force ininterrompu, une violence faite aux
dépossédés, qu’ils passent de l’armée de réserve au travail ou inversement. [...] Si la
guerre, entendue au sens de la guerre que se livrent deux États par leurs armées, est
bien, selon Clausewitz, « la politique continuée par d’autres moyens », alors il faut
dire que la politique est la guerre (de classe) continuée par d’autres moyens : le droit,
les lois politiques et les normes idéologiques. Mais sans cette guerre, sans cette
violence, sans la violence de l’exploitation de classe, on ne peut comprendre ni le droit
ni les lois, ni l’idéologie. Le rapport de classe est donc un rapport de lutte, de force
“antérieur à tout droit”, et c’est nécessairement un rapport antagoniste. C’est ce
rapport inconciliable qui réalise le primat de la lutte des classes sur les classes. C’est
cette “loi”, non juridique, non politique, de la lutte des classes qui “conduit
nécessairement” (Marx) non seulement à la dictature de la classe dominante, mais
aussi à l’alternative : ou dictature de la bourgeoisie, ou dictature du prolétariat. On
imagine sans peine que cette conception n’ait rien à voir avec “l’économie politique”,
la sociologie ou la psychologie, ces formations de l’idéologie bourgeoise dont le
marxisme n’a que faire puisque ce sont les armes mêmes de la lutte de classe
bourgeoise dans l’idéologie de la “société”. »
Althusser
« Pour faire une analyse non économique du pouvoir, de quoi, actuellement, disposet-on ? Je crois qu’on peut dire qu’on dispose vraiment de très peu de chose. On
dispose [...] de cette affirmation que le pouvoir n’est pas premièrement maintien et
reconduction des relations économiques, mais, en lui-même, primairement, un rapport
de force. [...] Si le pouvoir est bien en lui-même mise en jeu et déploiement d’un
rapport de force [...], ne faut-il pas l’analyser d’abord et avant tout en termes de
combat, d’affrontement ou de guerre ? On aurait donc [...] une hypothèse, qui serait :
le pouvoir, c’est la guerre, c’est la guerre continuée par d’autres moyens. Et, à ce
moment-là, on retournerait la proposition de Clausewitz et on dirait que la politique,
c’est la guerre continuée par d’autres moyens. [...] Le pouvoir politique, dans cette
hypothèse, aurait pour rôle de réinscrire perpétuellement ce rapport de force, par une
sorte de guerre silencieuse, et de le réinscrire dans les institutions, dans les inégalités
économiques, dans le langage, jusque dans les corps des uns et des autres. »
Foucault
« Est idéologique tout système d’idées produit comme effet d’une situation
initialement condamnée à méconnaître son rapport réel au réel »
Canguilhem
« L’idéologie dominante est ce qui transforme [le] pouvoir violent en pouvoir consenti
et le rapport de force en consentement libre et coutumier »
Althusser
« Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : L’homme fait la religion, ce
n’est pas la religion qui fait l’homme. La religion est en réalité la conscience et le
sentiment propre de l’homme qui, ou bien ne s’est pas encore trouvé, ou bien s’est
déjà reperdu. Mais l’homme n’est pas un être abstrait, extérieur au monde réel.
L’homme, c’est le monde de l’homme, l’État, la société. Cet État, cette société
produisent la religion, une conscience inversée du monde, parce qu’ils constituent eux mêmes un monde inversé. [...] La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la
misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le
soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même
qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple. Le véritable
bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire
du peuple. Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation,
c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la
religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est
l’auréole. »
Marx
. « La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord
directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des
hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le
commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation directe
de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle
qu’elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la
religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les
producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels,
agissants, tels qu’ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces
productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges
que ceux-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l’être
conscient et l’être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute
l’idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas
comme dans une camera obscura, ce phénomène découle de leur processus de vie
historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son
processus de vie directement physique. [...] Même les fantasmagories dans le cerveau
humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie
matérielle que l’on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases
matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de
l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt
toute apparence d’autonomie. Elles n’ont pas d’histoire, elles n’ont pas de
développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production
matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est
propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui
détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. »
Marx et Engels
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports
déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui
correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives
matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure
économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure
juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales
déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de
vie social, politique et intellectuel en général. Ce n’est pas la conscience des hommes
qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur
conscience. [...] Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même,
on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il
faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle,
par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports de
production. Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées
toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports
de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions
d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille
société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut
résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème luimême ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou
du moins sont en voie de devenir. »
Marx
« Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les héros, de même
que les partis et la masse de la première Révolution française [...] trouvèrent dans les
traditions strictement classiques de la République romaine les idéaux et les formes
d’art, les illusions dont ils avaient besoin pour se dissimuler à eux-mêmes le contenu
Maïssane Rahimi
étroitement bourgeois de leurs luttes et pour maintenir leur enthousiasme au niveau de
la grande tragédie historique. »
Marx
« L’idéologie est un processus que le soi-disant penseur accomplit sans doute
consciemment, mais avec une conscience fausse. Les forces motrices véritables qui le
mettent en mouvement lui restent inconnues, sinon ce ne serait point un processus
idéologique. Aussi s’imagine-t-il des forces motrices fausses ou apparentes. Du fait
que c’est un processus intellectuel, il en déduit et le contenu et la forme de la pensée
pure, que ce soit sa propre pensée, ou celle de ses prédécesseurs. »
Engels
« Concevons une chose très simple : une pierre par exemple reçoit d’une cause extérieure qui
la pousse, une certaine quantité de mouvements et, l’impulsion de la cause extérieure venant à
cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. [...] Concevez maintenant, si vous voulez
bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, pense et sache qu’elle fait effort,
autant qu’elle peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurément, puisqu’elle a conscience de son
effort seulement et qu’elle n’est en aucune façon indifférente, croira qu’elle est très libre et
qu’elle ne persévère dans son mouvement que parce qu’elle le veut. Telle est cette liberté
humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont
conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent. Un enfant croit
librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s’il est poltron, vouloir
fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu’ensuite, revenu à la sobriété, il
aurait voulu taire. De même un délirant, un bavard, et bien d’autres de même farine, croient
agir par un libre décret de l’âme et non se laisser contraindre. »
Spinoza
Hint
Answer
« Les pensées de la classe dominante sont aussi à toutes les époques, les pensées
dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la
société est aussi la puissance dominante spirituelle. »
Marx et Engels
« L’idéologie représente le rapport imaginaire des individus à leurs conditions réelles
d’existence. [...] Ce n’est pas leurs conditions d’existence réelles, leur monde réel, que
les “hommes” “se représentent” dans l’idéologie, mais c’est avant tout leur rapport à
ces conditions d’existence qui leur y est représenté. C’est ce rapport qui est au centre
de toute représentation idéologique, donc imaginaire du monde réel. C’est dans ce
rapport que se trouve contenue la “cause” qui doit rendre compte de la déformation
imaginaire de la représentation idéologique du monde réel. [...] L’idéologie a une
existence matérielle. [...] Une idéologie existe toujours dans un appareil, et sa pratique,
ou ses pratiques. Cette existence est matérielle. [...] Ces pratiques sont réglées par des
rituels dans lesquels ces pratiques s’inscrivent, au sein de l’existence matérielle d’un
appareil idéologique, fût-ce d’une toute petite partie de cet appareil : une petite messe
dans une petite église, un enterrement, un petit match dans une société sportive, une
journée de classe dans une école, une réunion ou un meeting d’un parti politique, etc.
Nous devons d’ailleurs à la « dialectique » défensive de Pascal la merveilleuse
formule qui va nous permettre de renverser l’ordre du schéma notionnel de l’idéologie.
Pascal dit à peu près : “Mettez-vous a genoux, remuez les lèvres de la prière, et vous
croirez”. [...] Nous dirons donc, à ne considérer qu’un sujet (tel individu), que
l’existence des idées de sa croyance est matérielle, en ce que ses idées sont ses actes
matériels insérés dans des pratiques matérielles, réglées par des rituels matériels euxmêmes définis par l’appareil idéologique matériel dont relèvent les idées de ce sujet.
Naturellement, les quatre adjectifs “matériels” inscrits dans notre proposition doivent
être affectés de modalités différentes : la matérialité d’un déplacement pour aller à la
messe, d’un agenouillement, d’un geste de signe de croix ou de mea culpa, d’une
phrase, d’une prière, d’une contrition, d’une pénitence, d’un regard, d’une poignée de
main, d’un discours verbal externe ou d’un discours verbal “interne” (la conscience),
n’étant pas une seule et même matérialité. »
Althusser
« Toute pratique, même scientifique, s’accomplit sous une idéologie »
Althusser
« Comme la philosophie implique prise de parti, la philosophie marxiste prend parti
dans la lutte de classe philosophique. [...] Elle [...] ne prend pas les sciences dites
humaines, qui ne sont que les formations théoriques de l’idéologie bourgeoise, pour
des sciences. »
Althusser
« la philosophie n’est, dans la théorie, que la délégation de la lutte des classes
économique, politique et idéologique ; elle est à ce titre, en dernière instance, “lutte de
classes dans la théorie”. » « La “justesse” de la philosophie du prolétariat échappe à la
subjectivité parce qu’elle sous le contrôle d’une science objective, la science des lois
de la lutte de classes. »
Althusser
. « Les communistes poursuivent, dans leur pratique politique, la fin de toute politique,
y compris de toute démocratie, forcément limitée par ses règles. C’est qu’ils savent
que, qu’elle le veuille ou non, toute politique est liée à l’Etat, et que l’Etat n’est rien
d’autre que la machine de domination de la classe exploiteuse [...] Les communistes
agissent donc politiquement pour que la politique prenne fin. Ils se servent de la
politique, de lutte des classes, pour qu’un jour prennent fin la politique et la lutte des
classes. »
Althusser
« Tous les concepts, notions et vocables politiques ont un sens polémique ; ils visent
un antagonisme concret, ils sont liés à une situation concrète dont la logique ultime est
une configuration ami-ennemi (se manifestant sous forme de guerre ou de révolution)
et l’absence d’une telle situation en fait des abstractions vides et sans vie. »
Schmitt
« Un savoir intègre n’est jamais polémique, sauf par accident. »
Strauss
« C’est dans le sérieux de la question de la justice que le politique trouve sa
justification. »
Strauss
« Le polémiste, lui, s’avance bardé de privilèges qu’il détient d’avance et que jamais il
n’accepte de remettre en question. Il possède, par principe, les droits qui l’autorisent à
la guerre et qui font de cette lutte une entreprise juste ; il n’a pas en face de lui un
partenaire dans la recherche de la vérité, mais un adversaire, un ennemi qui a tort, qui
est nuisible et dont l’existence même constitue une menace. Le jeu pour lui ne consiste
donc pas à le reconnaître comme sujet ayant droit à la parole, mais à l’annuler comme
interlocuteur de tout dialogue possible, et son objectif final ne sera pas d’approcher
autant qu’il se peut d’une difficile vérité, mais de faire triompher la juste cause dont il
est depuis le début le porteur manifeste. Il faudra peut-être un jour faire la longue
histoire de la polémique comme figure parasitaire de la discussion et obstacle à la
recherche de la vérité. »
Foucault
« L’humanité ne progresse pas lentement de combat en combat jusqu’à une
réciprocité universelle, où les règles se substitueront, pour toujours, à la guerre ;
elle installe chacune de ces violences dans un système de règles, et va ainsi de
domination en domination »
Foucault
« La fin du politique, ce serait la dernière bataille, c’est-à-dire que la dernière
bataille suspendrait enfin, et enfin seulement, l’exercice du pouvoir comme
guerre continuée »
Foucault
« Je crois que ces deux notions de “répression” et de “guerre” doivent être
considérablement modifiées, sinon peut- être, à la limite, abandonnées. »
Foucault
« J’ai longtemps cherché à savoir s’il serait possible de caractériser l’histoire de la
pensée en la distinguant de l’histoire des idées c’est-à-dire de l’analyse des systèmes
de représentations — et de l’histoire des mentalités — c’est-à-dire de l’analyse des
attitudes et des schémas de comportement. Il m’a semblé qu’il y avait un élément qui
était de nature à caractériser l’histoire de la pensée : c’était ce qu’on pourrait appeler
les problèmes ou plus exactement les problématisations. Ce qui distingue la pensée,
c’est qu’elle est tout autre chose que l’ensemble des représentations qui sous-tendent
un comportement ; elle est tout autre chose aussi que le domaine des attitudes qui
peuvent le déterminer. La pensée n’est pas ce qui habite une conduite et lui donne un
sens ; elle est plutôt ce qui permet de prendre du recul par rapport à cette manière de
faire ou de réagir, de se la donner comme objet de pensée et de l’interroger sur son
sens, ses conditions et ses fins. La pensée, c’est la liberté par rapport à ce qu’on fait, le
mouvement par lequel on s’en détache, on le constitue comme objet et on le réfléchit
comme problème. Dire que l’étude de la pensée, c’est l’analyse d’une liberté ne veut
pas dire qu’on a affaire à un système formel qui n’aurait de référence qu’à lui-même.
En fait, pour qu’un domaine d’action, pour qu’un comportement entre dans le champ
de la pensée, il faut qu’un certain nombre de facteurs l’aient rendu incertain, lui aient
fait perdre sa familiarité, ou aient suscité autour de lui un certain nombre de
difficultés. Ces éléments relèvent de processus sociaux, économiques, ou politiques.
Mais ils ne jouent là qu’un rôle d’incitation. Ils peuvent exister et exercer leur action
pendant très longtemps, avant qu’il y ait problématisation effective par la pensée. Et
celle-ci, lorsqu’elle intervient, ne prend pas une forme unique qui serait le résultat
direct ou l’expression nécessaire de ces difficultés ; elle est une réponse originale ou
spécifique souvent multiforme, parfois même contradictoire dans ses différents
aspects, à ces difficultés qui sont définies pour elle par une situation ou un contexte et
qui valent comme une question possible. »
Foucault
« Ce que je voudrais faire maintenant, ça serait quelque chose que j’appellerais une
“histoire de la gouvernementalité”.
Par ce mot de “gouvernementalité”, [...] j’entends l’ensemble constitué par les
institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui
permettent d’exercer cette forme bien spécifique, bien que complexe, de pouvoir, qui a
pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l’économie
politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité.
Deuxièmement, par “gouvernementalité”, j’entends la tendance, la ligne de force qui,
dans tout l’Occident, n’a pas cessé de conduire, et depuis fort longtemps, vers la
prééminence de ce type de pouvoir qu’on peut appeler le “gouvernement” sur tous les
autres : souveraineté, discipline ; ce qui a amené, d’une part, le développement de
toute une série d’appareils spécifiques de gouvernement et, d’autre part, le
développement de toute une série de savoirs. Enfin, par gouvernementalité, je crois
qu’il faudrait entendre le processus ou, plutôt, le résultat du processus par lequel l’État
de justice du Moyen Âge, devenu aux XVe et XVIe siècles État administratif, s’est
trouvé petit à petit “gouvernementalisé”. »
Foucault
. « Dans les démocraties, le peuple parait faire ce qu’il veut ; mais la liberté politique ne
consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il
y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à
n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans
l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le
droit de faire tout ce que les lois permettent. »
Montesquieu
« Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du
pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une
constitution peut être telle que personne ne sera contraint de faire les choses
auxquelles la loi ne l’oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet. »
Montesquieu
. « La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de
l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu’on ait cette liberté, il faut que le
gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen. Lorsque
dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance
législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on
peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques
pour les exécuter tyranniquement. Il n’y a point encore de liberté si la puissance de
juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe
à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire
: car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge
pourrait avoir la force d’un oppresseur. Tout serait perdu si le même homme, ou le
même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs
: celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les
crimes ou les différends des particuliers. »
Montesquieu
« Le but des anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une
même patrie : c’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la
sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées
par les institutions à ces jouissances. »
Constant
« Nous ne pouvons plus jouir de la liberté des anciens, qui se composait de la
participation active et constante au pouvoir collectif. Notre liberté à nous doit se
composer de la jouissance paisible de l’indépendance privée. »
Constant
« Celle-ci consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la
souveraineté toute entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix,
à conclure avec les étrangers des traités d’alliance, à voter les lois, à prononcer les
jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats, à les faire
comparaître devant tout le peuple, à les mettre en accusation, à les condamner ou à les
absoudre ; mais en même temps que c’était là ce que les anciens nommaient liberté, ils
admettaient comme compatible avec cette liberté collective l’assujettissement complet
de l’individu à l’autorité. [...] Rien n’est accordé à l’indépendance individuelle, ni sous
le rapport des opinions, ni sous celui de l’industrie, ni surtout sous le rapport de la
religion. La faculté de choisir son culte, faculté que nous regardons comme l’un de nos
droits les plus précieux, aurait paru aux anciens un crime et un sacrilège. »
Constant
« Ainsi chez les anciens, l’individu, souverain presque habituellement dans les affaires
publiques, est esclave dans tous les rapports privés. »
Constant
« L’indépendance individuelle est le premier besoin des modernes : en conséquence, il
ne faut jamais leur en demander le sacrifice pour établir la liberté politique. »
Constant
« Chez les modernes, au contraire, l’individu, indépendant dans sa vie privée, n’est
même dans les États les plus libres, souverain qu’en apparence. Sa souveraineté est
restreinte, presque toujours suspendue ; et si, à des époques fixes, mais rares, durant
lesquelles il est encore entouré de précautions et d’entraves, il exerce cette
souveraineté, ce n’est jamais que pour l’abdiquer. »
Constant
« Le système représentatif n’est autre chose qu’une organisation à l’aide de laquelle
une nation se décharge sur quelques individus de ce qu’elle ne peut ou ne veut pas
faire elle-même. Les individus pauvres font eux-mêmes leurs affaires : les hommes
riches prennent des intendants. C’est l’histoire des nations anciennes et des nations
modernes. »
Constant
« La liberté individuelle, je le répète, voilà la véritable liberté moderne. La liberté
politique en est la garantie; la liberté politique est par conséquent indispensable. »
Constant
« Prions l’autorité de rester dans ses limites ; qu’elle se borne à être juste. Nous nous
chargerons d’être heureux. Pourrions-nous l’être par des jouissances, si ces
jouissances étaient séparées des garanties ? Et où trouverions-nous ces garanties, si
nous renoncions à la liberté politique ? »
Constant
« La part que dans l’antiquité chacun prenait à la souveraineté nationale n’était point,
comme de nos jours, une supposition abstraite. La volonté de chacun avait une
influence réelle : l’exercice de cette volonté était un plaisir vif et répété. En
conséquence, les anciens étaient disposés à faire beaucoup de sacrifices pour la
conservation de leurs droits politiques et de leur part dans l’administration de l’État.
Chacun sentant avec orgueil tout ce que valait son suffrage, trouvait dans cette
conscience de son importance personnelle, un ample dédommagement. Ce
dédommagement n’existe plus aujourd’hui pour nous. Perdu dans la multitude,
l’individu n’aperçoit presque jamais l’influence qu’il exerce. Jamais sa volonté ne
s’empreint sur l’ensemble, rien ne constate à ses propres yeux sa coopération.
L’exercice des droits politiques ne nous offre donc plus qu’une partie des jouissances
que les anciens y trouvaient, et en même temps les progrès de la civilisation, la
tendance commerciale de l’époque, la communication des peuples entre eux, ont
multiplié et varié à l’infini les moyens de bonheur particulier. Il s’ensuit que nous
devons être bien plus attachés que les anciens à notre indépendance individuelle ; car
les anciens, lorsqu’ils sacrifiaient cette indépendance aux droits politiques, sacrifiaient
moins pour obtenir plus ; tandis qu’en faisant le même sacrifice, nous donnerions plus
pour obtenir moins. »
Constant
« Vous voyez, Messieurs, que mes observations ne tendent nullement à diminuer le
prix de la liberté politique. [...] Ce n’est point à la liberté politique que je veux
renoncer ; c’est la liberté civile que je réclame, avec d’autres formes de liberté
politique. Les gouvernements n’ont pas plus qu’autrefois le droit de s’arroger un
pouvoir illégitime. Mais les gouvernements qui partent d’une source légitime ont de
moins qu’autrefois le droit d’exercer sur les individus une suprématie arbitraire. Nous
possédons encore aujourd’hui les droits que nous eûmes de tout temps, ces droits
éternels à consentir les lois, à délibérer sur nos intérêts, à être partie intégrante du
corps social dont nous sommes membres. »
Constant
« Car, de ce que la liberté moderne diffère de la liberté antique, il s’ensuit qu’elle est
aussi menacée d’un danger d’espèce différente. Le danger de la liberté antique était
qu’attentifs uniquement à s’assurer le partage du pouvoir social, les hommes ne fissent
trop bon marché des droits et des jouissances individuelles. Le danger de la liberté
moderne, c’est qu’absorbés dans la jouissance de notre indépendance privée, et dans la
poursuite de nos intérêts particuliers, nous ne renoncions trop facilement à notre droit
de partage dans le pouvoir politique. »
Constant
« Ce que, de nos jours, un Anglais, un Français, un habitant des États-Unis de
l’Amérique, entendent par le mot de liberté. C’est pour chacun le droit de n’être
soumis qu’aux lois, de ne pouvoir être ni arrêté, ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité
d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou de plusieurs individus.
C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie, et de l’exercer,
de disposer de sa propriété, d’en abuser même ; d’aller, de venir sans en obtenir la
permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches. C’est, pour
chacun, le droit de se réunir à d’autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts,
soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour
remplir ses jours ou ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinations, à ses
fantaisies. Enfin, c’est le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration du
Gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par
des représentations, des pétitions, des demandes, que l’autorité est plus ou moins
obligée de prendre en considération. »
Constant
« Les peuples qui, dans le but de jouir de la liberté qui leur convient, recourent au
système représentatif, doivent exercer une surveillance active et constante sur leurs
représentants, et se réserver, à des époques qui ne soient pas séparées par de trop longs
intervalles, le droit de les écarter s’ils ont trompé leurs vœux, et de révoquer les
pouvoirs dont ils auraient abusé. »
Constant
« D’ailleurs, Messieurs, est-il donc si vrai que le bonheur, de quelque genre qu’il
puisse être, soit le but unique de l’espèce humaine ? [...] Non, Messieurs, j’en atteste
cette partie meilleure de notre nature, cette noble inquiétude qui nous poursuit et qui
nous tourmente, cette ardeur d’étendre nos lumières et de développer nos facultés ; ce
n’est pas au bonheur seul, c’est au perfectionnement que notre destin nous appelle ; et
la liberté politique est le plus puissant, le plus énergique moyen de perfectionnement
que le ciel nous ait donné. La liberté politique soumettant à tous les citoyens, sans
exception, l’examen et l’étude de leurs intérêts les plus sacrés, agrandit leur esprit,
anoblit leurs pensées, établit, entre eux tous une sorte d’égalité intellectuelle qui fait la
gloire et la puissance d’un peuple. Aussi, voyez comme une nation grandit à la
première institution qui lui rend l’exercice régulier de la liberté politique. »
Constant
« Loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux espèces de liberté dont je vous
ai parlé, il faut, je l’ai démontré, apprendre à les combiner l’une avec l’autre. »
Constant
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